Un nouveau marathon, un coach, un nouveau cycle
Après 10 ans passés à courir en autodidacte, voici venir un nouveau cycle marqué par une collaboration qui m'honore au moins autant qu'elle me réjouit,
Emmanuel Fontaine ayant accepté de me conseiller et de m'accompagner dans ma quête de nouveaux objectifs. Les années se faisant plus pesantes et les tempes plus grisonnantes, j'en suis enfin venu, semble-t-il, à accepter de ne plus chercher à améliorer mon record perso sur marathon mais seulement à essayer
désormais de stabiliser mon chrono
sur cette distance à un niveau
relativement honorable. Si celui-ci pouvait suivre une croissance de type logarithmique, je lui en saurais gré et ne chercherais même pas, comme un effet de ma reconnaissance, à déterminer l'altitude de l'asymptote limitante
(n'ayant, de toute façon, aucune idée de l'intervalle d'étude de cette plaisanterie, l'exercice s'avèrerait particulièrement absurde... et par conséquent de nature à me l'imposer... mais Kafka n' tienne).
Pour pouvoir commencer ce nouveau cycle, orienté vers l'au-delà du marathon, la première étape consistait à achever d'enrayer une double spirale infernale : celle-là même qui me voyait depuis trois ans accumuler les échecs sur marathon et sur 100km... tant que je ne parvenais pas à décider franchement d'une discipline de prédilection mais m'obstinais à vouloir "performer" sur ces deux formats pourtant bien distincts et nécessitant chacun le développement de qualités spécifiques. Trois ans pour en arriver à la conclusion qu'à jouer (la perf) sur les deux tableaux, à moins d'être super costaud, on perd sur les deux tableaux (soit celle-là même que Nathalie me suggérait... depuis trois ans ; mais il n'y a pas plus sourd, ni plus maso, que celui qui ne veut pas entendre).
Ainsi, après 2 abandons successifs sur 100km (en Sologne en 2012 puis au Spiridon catalan en 2013), lavés cet été par un chrono acceptable à Theillay, il fallait également renouer avec le marathon en allant chercher un chrono-no-rable sur 42,2km pour aider à cicatriser les stigmates creusés par 2 abandons successifs (à Annecy en 2012 puis à Cheverny en 2013) et une contre-performance lamentable à Sénart en ce premier mai 2014 qui ne me vit ni trop mu ni trop gai.
Mon choix se porta sur le marathon d'Orléans, permettant de caler avant l'hiver et sans se déplacer (trop) loin, 3 semaines de récupération post 100km puis 8 semaines de préparation spécifique.
16 novembre 2014 - Marathon d'Orléans - Objectif : 2h45
La préparation sur 8 semaines s'est bien passée, assortie d'un bénéfique travail de redimensionnement d'ego : l'allure marathon, initialement estimée par moi autour de 3'50 à 3'48/km, est rapidement ramenée par Emmanuel à des valeurs plus cohérentes au regard des séances des 2 premières semaines. En fin de prépa, l'allure marathon se stabilise donc entre 3'55 et 3'54/km pour une fréquence cardiaque autour de 154 à 155bpm. La FC au repos, qui restait assez haute depuis les 100km de Theillay et jusqu'à la semaine suivant le marathon de Metz sur lequel j'accompagnais Nathalie, est progressivement retombée à 38bpm, confirmant le pic de forme. On convient donc avec Emmanuel d'un objectif de 2h45, chrono qui me satisferait amplement.
Le Jour J, nous arrivons sur place une petite heure avant le départ pour retrouver une dizaine de coureurs de notre connaissance inscrits sur le marathon ou sur le relais-marathon en duo. Il y a là Renaud, Jean-Philippe, Jean-Jacques, Steeve, Eric, Pascal P, Pascal L et mon frère Arnaud qui a fait la route ce matin depuis Champagne-sur-Seine.
On papote un peu avant d'aller s'échauffer, à l'exception de Renaud qui prépare un 24h et utilise ce marathon comme sortie longue - pas assez longue toutefois pour ne pas avoir à rajouter 1/2h avant et 1/2h après. Je m'échauffe en compagnie de Nathalie qui, ne courant pas le marathon, avait choisi de faire un petit footing avant le départ. Nous sommes bientôt rejoints par Arnaud, puis je fais quelques accélérations pour dérouler un peu alors que l'heure du départ approche.
9h30 - Départ du marathon
On appelle les favoris sur la ligne de départ. Parmi eux se trouve Nicolas Bompard, athlète non-voyant qui participait au marathon de Cheverny en 2011 et avec qui j'avais failli prendre le départ, quelques minutes en avance sur le peloton, son guide m'ayant brièvement confié le lien les unissant, le temps de satisfaire un besoin urgent.
Dès le coup de feu, 2 coureurs se détachent du lot. Ceux-là feront la course en tête pour un chrono vraisemblablement autour des 2h30. Suit un triathlète, esseulé, aux couleurs de l'US Metro, puis un groupe compact de 6 ou 7 coureurs sur des bases de 2h40. Entre ce groupe et moi, j'ai en point de mire Nicolas Bompard et 2 autres coureurs. Les premiers km sont courus en zone urbaine, à commencer par 2km sur le campus universitaire, jusqu'au 5ème km où l'on bifurque à gauche pour passer sous une voie ferrée et s'engager sur la première boucle qui va nous emmener dans la verte pour 16km (on aura par conséquent, au retour, le verdict du chrono au passage du premier semi).
Je parcours les 5 premiers kilos l'oeil rivé au GPS afin de m'asurer que je ne m'emballe pas, les sensations étant souvent trompeuses dans l'euphorie du départ. Le tempo est correct et m'amène progressivement de 3'58 à 3'55/km, allure sur laquelle je devrais théoriquement brancher le pilote automatique. La "tranche" suivante (j'ai programmé des "laps" automatiques tous les 5km) m'amènera au 10ème km, toujours régulier à 3'55/km. Cette section-là est, à mon sens, la moins agréable du parcours : peu après le kilomètre 6, la route tourne à droite et nous oriente plein sud, face au vent, en même temps qu'elle se gondole et nous propose un petit tobogan qui, conjugué au vent de face, s'avère assez éprouvant. Pour autant, nous ne sommes qu'au kilomètre 7 et cette petite difficulté est vite passée et digérée. Elle s'avèrera nettement plus pénible lors de la deuxième boucle, au kilomètre 23.
Au 8ème km, je rattrape un coureur en vert dont je me rapprochais depuis quelque temps et qui s'enquiert de mon objectif alors que je le double. Quand j'annonce 2h45, il me fait savoir qu'il est parti trop vite et va lever le pied comme il vise 2h50. Ok. Pas de problème pour moi. Je reste sur mon allure et m'éloigne peu à peu... à la pousuite de Nicolas Bompard et de son guide que j'ai toujours en ligne de mire. Entre les kilomètres 8.5 et 11.5, on emprunte une petite route vallonnée (cf. la belle petite bosse au 10ème km sur le profil altimétrique ci-dessous) mais assez plaisante (on a changé d'orientation et le vent se fait moins sentir) qui nous emmène en forêt. S'ensuivent 2,5km de "chemin blanc" (les caractéristiques de ce parcours sont décidément très proches de celles du marathon de Cheverny) et je profite d'être en jambes pour passer Nicolas B qui ne me laisse pas l'avantage bien longtemps puisqu'il me repasse presqu'aussitôt, dès le 13ème km. Le petit kilomètre suivant, sur la Départementale 7, n'est pas très agréable... mais ce n'est rien à côté de la sensation qu'il me laissera au deuxième passage, 16km plus tard, trempé et transi de froid. Pour l'instant, nous avons été gentiment rafraichis par un tout petit crachin et c'est à peine si j'ai ressenti le besoin d'essuyer mes lunettes à mon short pour distinguer le balisage et me faire une idée du paysage. Ca va bientôt se gâter !
Kilomètre 15. Je pointe en 10ème position, derrière l'athlète non-voyant et son guide auxquels je concède quelque 100m. Il me semble bien que cet écart s'accroît petit à petit. Nous avons repris la direction du Nord et sommes donc poussés par le vent. En outre, cette section, du 16ème au 22ème km, est globalement descendante. Ces deux paramètres contribuent à une accélération sensible dont je ne prends pas conscience immédiatement : entre les kilomètres 10 et 20, je suis passé de 3'55 à 3'52/km (soit de 15,3 à 15,5km/h). Ce n'est pas énorme comme variation d'allure, mais c'est déjà trop sans doute. Je tâche alors de temporiser en raccourcissant un peu la foulée pour m'économiser tant que l'allure est aisée.
Vers le 17ème km, j'aperçois un gars qui marche sur le bord gauche de la route, la tête baissée. Pas vraiment l'allure d'un promeneur du dimanche. La météo ne s'y prête d'ailleurs guère. En le dépassant, je reconnais le triathlète de l'US Metro. Peut-être parti trop vite ? Ou bien blessé ? La course s'arrête là pour lui. Je garde Nicolas Bompard et son guide en ligne de mire et m'engage sur l'interminable ligne droite qui nous ramène, en pente douce descendante, au début de la deuxième boucle, soit au point de concours de la première section de 5 km et de la double boucle.
Passage au semi-marathon : 1h22
Au passage au 20ème km, Pascal Lebel m'encourage. Il attend là l'arrivée de son binôme pour s'élancer sur le deuxième semi du marathon-relais en duo. C'est précisément ce que je fais moi aussi : je passe au semi-marathon en un peu plus de 1h22 et m'élance donc pour la deuxième moitié de la course.
A ce stade, un flat-split (2 semi-marathons de même durée) me semble encore jouable, considérant que je suis arrivé progressivement à l'allure actuelle de 3'52/km et que celle-ci me semble tenable à peu près jusqu'au bout, sauf gros coup de mou. Mais la pluie vient s'en mêler qui se met à tomber de plus en plus franchement, précisément à l'entame de la section "ondulante" et orientée au sud. La conjonction de la pluie, du vent et des bosses commence à produire son effet. A partir du 24ème km, les jambes (ou la tête ? rétrospectivement, je n'arrive pas à trancher) commencent à me refuser l'allure souhaitée qui tombe bientôt à près de 4'/km. Les 6km suivants sont courus cahin-caha, ahanant, dans le coltard. Damned ! N'ai-je donc tant couru que pour cette infâmie ? Pour quelques instants, le moral plonge au fond de mes chaussettes détrempées. Mais ça ne doit pas sentir très bon car il remonte aussi sec. Enfin... façon de parler.
Au 30ème km, de retour sur la D7 - une "presque autoroute" à l'aune des sentes qui m'y ont mené - je prends soudainement conscience que le cardio est passé sous les 150 pulsations, ce qui signifie que je me suis mis en "mode sommeil", écoutant docilement la petite voix pernicieuse qui susurre : "bon, allez... c'est cuit... on bâche". Mais je ne suis pas venu pour "bâcher" un énième marathon, nom de nom ! Je suis venu à Orléans - chez Jea-an-ne, la Jea-an-ne - précisément pour sortir de cette spirale infernale et remettre la machine sur les rails. Aussi, je prends sur moi et tâche de relancer, vaille que vaille, pour remonter à 154bpm. L'allure se stabilise alors autour de 4'10/km et j'envisage de conclure à ce rythme, peu vaillamment mais sûrement.
Le ravitaillement suivant, vers le 32ème km, est bienvenu. Il n'y a pas grand monde le long du parcours, d'autant moins par ce temps-là, et le moindre signe d'encouragement est bon à prendre. Je saisis un gobelet tendu par un bénévole costumé en clown... qui ne me fait pas rire mais que je remercie néanmoins. Ca fait du bien. Les 15 à 20cl de glucose aident à faire passer le 3ème et dernier gel, pris au 30ème km, sans pour autant que les ailes m'en poussent. En fait, ce seraient plutôt les jambes qui continuent de m'en tomber, comme cette pluie pénétrante qui achève de me frigorifier. Mais le 35ème km approche et avec lui le sprint final vers la ligne d'arrivée à une allure que j'essaie vainement de maintenir sous les 4'20/km désormais.
Au 36ème km, on bifurque à gauche pour revenir vers notre point de départ. Puis, à partir du 39ème, je reconnais le parcours emprunté à l'aller. Restent donc 3km à serpenter dans le campus universitaire.
A moins d'un kilomètre de l'arrivée, je suis repris par un coureur tout de vert vêtu qui finit sur une bien belle allure. Je reconnais le garçon qui m'avait confié vouloir s'économiser, quelque 35km plus tôt, après un départ trop rapide. Qu'en avais-je pensé alors ? Sans doute : "ah là là ! c'est jeune et ça ne sait pas !". Mais le voila qui me passe à son tour, comme une fleur, m'invitant à corriger sensiblement ce que j'en pense à présent : "ah là là ! c'est (pourtant plus tout) jeune et ça ne sait pas (encore) !". Tel est pris...
Passage de la ligne d'arrivée : 2h51'15
Nathalie m'accueille avec un grand sourire, dû à une amusante dyslexie que j'avais plus ou moins faite mienne également, à peu de chose près : elle était persuadée que je visais 2h54 et non 2h45, alors que j'avais mémorisé que l'allure de 3'54 m'amenait sur 2h45.
Le mot de la fin et un coup de chapeau
Le mot de la fin revient à Emmanuel qui, 24h après ce résultat et fort de l'analyse du relevé GPS/cardio, relève à son tour ce qui a manqué pour atteindre l'objectif fixé :
- d'abord, une régularité de métronome (3'55=OK ; 3'52=KO) ;
- ensuite, un "bon coup de pompoculthérapie" pour regonfler un mental en berne dès le 24ème !
Et pour finir d'en finir : un grand coup de chapeau à Nicolas Bompard qui prend la 4ème place de ce marathon en 2h44, démontrant accessoirement que des conditions météo défavorables n'interdisaient nullement une régularité métronomique.
Quelques données chiffrées et un résumé de la gestion de course
Un premier semi en 1h22 avec l'espoir d'un quasi flat split pour aller chercher les 2h45 visés.
Un deuxième semi en 1h29 pour sanctionner un défaut d'humilité.
L'humidité, par contre, ne fit pas défaut... et on pourra conserver ce paramètre parmi ceux ayant joué un rôle dans le chrono final.
La deuxième moitié du premier semi... un chouïa trop rapide.
Il aurait été préférable de rester calé sur 3'55/km, comme prévu, au lieu de passer à 3'52... bien que le vent du sud et le dénivelé aient naturellement poussé à cette accélération (Eole s'y colle et il s'y kill).
La suite - une chute de l'allure à 4' puis 4'11, 4'12, 4'20 et enfin 4'25 au kilo - découle sans doute en partie de cette erreur de gestion de l'allure. Ou pas. The answer is blowing in the wind.
Temps de passage, vitesse et pas moyens corrigés de l'erreur de précision du GPS
|
5 |
10 |
15 |
20 |
Temps |
19'40 |
19'35 |
19'20 |
19'20 |
Pas moyen |
3'56 |
3'55 |
3'52 |
3'52 |
Vmoy (km/h) |
15,3 |
15,3 |
15,5 |
15,5 |
|
|
|
|
|
|
25 |
30 |
35 |
40 |
Temps |
20' |
20'55 |
21' |
21'40 |
Pas moyen |
4' |
4'11 |
4'12 |
4'20 |
Vmoy (km/h) |
15 |
14,4 |
14,3 |
13,8 |