Troisième participation aux 100km de Theillay, pour la troisième fois support des championnats de France de la discipline. L'occasion de sortir de la spirale de l'abandon, puisque j'avais jeté l'éponge ici-même au 50ème km en 2012, puis encore au 60ème km du Spiridon catalan, à la Toussaint 2013.
La préparation, sur 9 semaines, s'est bien passée et m'a normalement permis d'assimiler l'allure spécifique (~4'40/km) et d'engranger de la confiance en faisant du volume sans bobos ni sensations de (grosse) fatigue. Je me suis même amusé à boucler la dernière semaine du deuxième bloc de 3 avec 203km au compteur, répartis sur 8 séances, soit mon plus gros volume hebdo à ce jour en prépa 100... avec un petit clin d'oeil et calembour à deux balles valant "répulsif" - vade retro, spectre de l'abandon ! je viens de faire ces 203 et tu ne pourras, cette fois, m'opposer "jamais 2 sans 3" - houuu... spirituel, ce Magoo... et peut-être un brin superstitieux itou.
Vendredi soir - 19h
En entrant dans la salle des inscriptions, Nathalie et moi retrouvons Frédéric Mary. Nous saluons également Nadine Weiss et Franck Derrien et cherchons des yeux d'autres connaissances. Celles-ci ne sont guère nombreuses, comme je reste un (tout) petit jeunot sur ce format (ce n'est que mon 6ème cent bornes) et que je ne cours pas plus d'un 100 par an. L'heure de la pasta arrive que nous partageons avec Fred, venu seul, et Cyrille Lequet et son accompagnateur. J'avais rencontré Cyrille pour la première fois aux 100km d'Amiens en 2012 (il avait fini deuxième, comme cette année à Theillay - Syndrome Poulidor ? hmm... à voir... affaire à suivre). Fred était également à Amiens en 2012... ce sera un des sujets de conversation entre l'assiette de crudités, les bols de pâtes et la salade de fruits. On se quitte vers 20h30, non sans avoir salué Stéphane Mathieu, Jean-Philippe Brunon et Jean-Jacques Jacquet arrivés (et restaurés) entre temps.
Samedi matin - 5h15.
Petit-déj' léger, sur le pouce, dans la salle commune.
Préparation du vélo de Nathalie, chargement du panier avec les bouteilles de sirop Tei..eire - 2 litres de citron, 2 litres de framboise. Pour cette fois, on a fait le pari du "solo de glucose", carrément inconnu jusqu'alors mais qui a fait ses preuves à l'entrainement... au moins jusqu'aux 3h40 de course (puisque je n'ai pas poussé plus avant les sorties longues de préparation). On pourra s'étonner de ce choix... d'un produit pas franchement dédié à la course à pied. Mais j'ai souhaité privilégier la dimension affective - les réminiscences des goûters d'enfants et des gâteaux d'anniversaire avec les copains - plutôt que de gober benoîtement le marketting à tout crin imposant l'usage de toutes sortes de poudres de perlimpimpin. On aura sans doute raison de me reprocher cette expérimentation a priori inconsidérée. Le fait est que les fructose, dextrose, maltodextrose - et allez savoir ce qu'encore on ose - ont sans doute leurs spécificités et leur utilité dès lors qu'on mise sur leur complémentarité ; ce que je n'ai pas fait.
Peu avant le départ, je retrouve Karim Atiki, inscrit sur le 50km, et Pascal Perrotin qui vient là,
tout nu (ndlr : sans dossard), faire une sortie longue en compagnie des copains et en préparation de
l'Intégrale de Gérard Denis. C'est l'heure d'appeler les satellites et d'en espérer quelques uns, à la fois disponibles et stationnés sur la bonne orbite.
6h15 : Départ des accompagnateurs...
... en troupeau, dans la nuit noire, vers le 4ème km du parcours où nous les retrouverons bientôt.
6h30 : Départ commun des coureurs des 50km et 100km
La première 1/2h est courue dans le noir. On mettra donc - un peu de mauvaise foi ne pouvant faire de mal - sur le compte de l'obscurité mon allure un tantinet (vraiment à peine) trop élevée. Au 4ème km, où le coureur et son épouse à 2 roues se rejoignent, je tourne à 4'38/km... au lieu des 4'45 prévus. Soit, c'est trop "rapide" ! Mais cela reste tout à fait raisonnable, d'autant plus que maintenant que mon assistant m'observe et mesure mes humeurs, je ne peux plus me permettre la moindre accélération sans être l'objet d'une sévère réprimande (ndlr : l'article est volontairement rédigé sans smileys ; il est donc conseillé de relire quelques CR plus anciens pour éventuellement s'habituer au style du rédacteur et pouvoir ainsi, presque à coup sûr, réhabiliter les émoticones manquantes).
On vient juste de passer le croisement qui mène, à droite, au parc du Château de Rère, que nous avions élu comme gîte lors de l'édition 2012, et devant lequel nous repasserons tout à l'heure, dans... 90km, soit au 94
ème. Ah, mais c'est vrai ! Il n'est pas si aisé de se repérer, ainsi, sans un
support cartographique. On pourra donc utiliser
celui-ci et faire, par exemple, "Play" en "mode lapin" (il n'y a pas de "mode carpe"), une première fois, pour visualiser le cheminement intégral et le positionnement grossier des points kilométriques principaux.
Au km 7.3, nous bifurquons à droite et la route se rétrécit. Les hautes futaies de part et d'autre laissent place à une bruyère qui fleurit et égaie les bas-côtés. Nathalie attire mon attention sur les délicates constructions des toiles d'araignée tendues entre les brins d'herbe et chargées de gouttes de rosée. Un léger brouillard flotte, comme en suspension sur ce paysage, renforçant le caractère irréel de notre entreprise - ça y est : nous y sommes ! l'expérience intérieure a débuté - et affirmant le tempérament rural de ce parcours, le caractère exceptionnel de cette journée de fête et d'aventure. L'esprit se fait vagabond, comme la prose se fait lyrique après coup, et il conviendrait de redescendre sur terre pour rester régulier dans l'allure comme dans la prise de boisson : citron et framboise en alternance, à raison d'une gourde de 50cl tous les 15km (soit 1h10 à 1h12, à l'allure prévue).
Le peloton est encore assez compact et fourni. L'étroitesse de cette section accroît sans doute l'impression, biaisée, d'une foule immense... mais il y a tout de même du monde. Je mémorise l'allure et les couleurs (des maillots) des coureurs qui nous entourent et dont nous recroiserons la route plus tard, pour certains (notamment un coureur de Foecy et deux du club de Vichy).
La première tranche de 10km est passée en 46'30... contre les 47' prévues au plan de marche. C'est certes un peu trop rapide, mais l'euphorie du départ est globalement maîtrisée et le métronome désormais calé. Je dois être aux alentours de 130 bpm (pas de cardio pour vérifier), avec la sensation habituelle, troublante mais familière, d'avoir le frein à mein serré à fond. Tout va bien... hormis, peut-être, le fait que Nathalie, comme d'hab, est frigorifiée sur son vélo.
Au km 12, une première micro-pause technique de 20 à 30 secondes initialise la règle (ndlr : c'est dingue, tout de même, ces gens de l'Est... ce besoin viscéral de règles pour toutes choses !) qui va définir les occurrences des mictions à venir : ce sera donc un "modulo 12", comme en atteste le lecteur Garmin, avec 3 pauses successives aux km 12, 24 et 36.
Tiens... un gars en maillot orange a fait le même choix. Marrant. Nous repartons ensemble et je le salue d'un jovial "synchro !". J'apprends bientôt que Thierry et son suiveur à vélo viennent d'Ardèche. J'en déduis intérieurement que, n'étant par conséquent pas astreints à la quasi teutone rigueur du "modulo 12", ils pauseront par la suite au gré de leurs humeurs et que nous allons donc sans doute "faire le yoyo" quelque temps si nous cheminons ensemble.
Thierry et son suiveur s'avèrent d'excellents compagnons de route et les binômes se forment tout naturellement : les coureurs trottinent et papotent en cadence pendant que, dans leur sillage, nos suiveurs roulettent et discutent. On veille seulement, Thierry et moi, à lever la main régulièrement pour réclamer une gorgée de ceci ou cela. Thierry, lui, est plutôt fan de fraises Ta..da - ma foi, pourquoi pas ! J'entends, derrière nous, Nathalie raconter à son compagnon de route nos aventures familiales en courant (la Circumlorraine et notre première diagonale de Strasbourg à Hendaye) ; de mon côté j'apprends de Thierry qu'il en est à son 18ème cent bornes, avec un record perso en 7h54, soit le chrono que je suis venu chercher cette année à Theillay. De fil en aiguille, nous nous rendons compte que nous avons le même record sur marathon également (ce qui me conforte sans doute encore un peu, si besoin était, dans la faisabilité des 7h54) et, tout en discutant, nous arrivons bientôt à Salbris où nous passons le 20ème km en 1h34.
8h : Demi-tour à Salbris (1h30 de course)
Thierry court pour la première fois à Theillay ; je lui explique donc le demi-tour que nous allons effectuer (alors que les coureurs des 50km continueront sur leur lancée vers le Nord-Est) avant de revenir sur nos pas pour croiser les cent-bornards qui nous suivent. Mais nous croisons précisément le premier cent-bornard, à 200m du point où j'avais croisé Jacques Hinet en 2009, et mon explication en cours n'a dès lors plus grande utilité.
Les deux premiers ont déjà fait le trou. Thierry connaît la plupart de ceux qui nous précèdent parmi lesquels Arnaud, marathonien en 2h26, qui mènera les 100km jusqu'au 91ème km avant de finir les 9 derniers en 1h20. A chacun, il adresse un mot d'encouragement.
Après le demi-tour au centre de Salbris, nous repassons sous la voie ferrée pour reprendre, dans le sens opposé, la route déjà empruntée à l'aller et que nous suivrons jusqu'au 25ème km. A chaque croisement d'un coureur ou d'un groupe de coureurs, c'est un échange d'encouragements qui fait chaud au coeur, ponctué par les infos et anecdotes de Thierry qui connaît beaucoup d'entre eux personnellement.
A la sortie sud de Theillay, juste avant de grimper le petit pont pour repasser l'A71 (barreau Orléans-Vierzon), le premier semi est passé en 1h39, pile poil dans les temps.
Au ravito du 25ème km, alors qu'on vient de croiser les derniers concurrents du 100 bornes - des marcheurs -, on bifurque à droite pour entamer une longue section que j'aime tout particulièrement, bordée de pin sylvestres (ou parasols ?) à l'écorce brun-rouge, avec le passage d'un petit pont en bois puis d'une voie ferrée. La mini pause programmée au 24ème km a été respectée et j'ai donc laissé Thierry me prendre quelque 4 à 500m. C'est bien. Ca fait comme une respiration. C'est ça aussi, les vieux couples (on est tout de même ensemble depuis près d'1h !) : il ne faut pas être tout le temps l'un sur l'autre, mais savoir se ménager des pauses. 5km me sont nécessaires, sans forcer l'allure, pour revenir sur lui, au centre de La Ferté-Imbault, après le passage au km 30. Peu après ces retrouvailles, nous reprenons le premier cent-bornard. Ouille ! Déjà de la casse ?! Avant le premier tiers de course ! Mais rien n'est jamais joué sur ce format : ce coureur me repassera avant le 90ème km et je ne le reprendrai pas.
A la sortie du village, la première difficulté du parcours, une "longue ligne droite" (LE motif récurrent de ce 100 bornes) assortie d'une bonne grimpette, et suivie bientôt d'un coude à droite, nous emmène jusqu'à Selles-Saint-Denis, village à l'entrée duquel on traverse la Sauldre. J'aime particulièrement retrouver ce passage-là, bucolique à souhait.
On traverse ensuite ce troisième bourg (ndlr : Salbris, La Ferté, Selles) sous les encouragements des habitants. Thierry est resté un peu en retrait, après avoir fait une pause (pour soigner un début d'ampoule, je crois) à son tour et je suis seul désormais pour passer le 40ème km, puis le marathon, en 3h20, limite basse que je m'étais fixé. Tout va toujours très bien. On alterne les gorgées de citron et framboise et j'ai pris également, depuis le 20ème, une pâte de fruit et une autre d'amande, pour varier les plaisirs et les textures.
10h : Passage de la mi-course... en mode "Pac Man"
Le soleil a commencé à chauffer plus tôt qu'en 2009 et 2012 : Nathalie vient de retirer son coupe-vent qu'elle a noué autour de la taille.
Dans la foulée du passage au marathon, après le ravito posté dans un virage à droite, j'enclenche malgré moi le mode "Pac Man". Je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir accéléré mais commence à reprendre des coureurs qui semblent à la peine. Le 50ème km est passé en 3h56. Nous approchons maintenant du point où j'ai abandonné deux ans plus tôt (au 55ème km) et dès l'entrée de Marcilly-en-Gault, je commence à ressentir un début d'essoufflement. Les jambes tournent toujours bien, mais j'ai la sensation fugace de ne plus être aussi fringant. Pas grave, on lève un peu le pied... ça va revenir. Je profite du passage qui suit, sur chemin, en sous-bois, pour me changer les idées et me refaire la cerise. Au passage, on double encore un coureur qui, lui, est à l'arrêt puis qui repart en marchant. Le 60ème km est atteint en 4h44. On débouche alors sur la route de Saint-Viâtre pour la suivre sur 6 longs km pendant lesquels l'allure va chuter insensiblement, comme lorsqu'on rencontre le "mur" sur un marathon, non pas "de face" et à pleine vitesse (à 69% de VMA, on en est loin) mais en le frôlant, en s'éraflant l'épaule au passage, comme par mégarde. Les 4'40/km se transforment bientôt en 5', puis 5'15, 5'30...
A partir du 70ème km, je me fais une raison et accepte la chute d'allure inéluctable. Je (tâche de) cesse(r) de pester, aidé par Nathalie qui m'enjoint, toutes les 10', de me concentrer sur ma respiration et de laisser aller... que le chrono n'est pas l'essentiel, mais que je vais finir cette course de belle manière, malgré un réservoir de toute évidence à sec. Et, de fait, pour la première fois sur un 100km, je ne me serai pas arrêté, n'aurai pas marché.
Nathalie continue - elle avait commencé dès le passage au semi-marathon - à envoyer des textos aux copains... qui continuent, en retour, à nous soutenir et à m'encourager à distance. Ca me fait, comme toujours, beaucoup de bien, évidemment, mais aussi de la peine pour ceux qui calculent et qui ont déjà pigé que "ça n'allait pas le faire". Je prends sur moi pour ne pas penser à la déception que j'engendre... d'autant plus que je sais (mais, à chaud, paradoxalement, on n'est pas suffisamment frais pour s'en persuader) que je suis et serai le seul déçu... et que tous vont me féliciter sincèrement, quel que soit le chrono réalisé au final.
J'égrène, à mesure qu'on avance ainsi et que l'allure chute inexorablement, les valeurs prises successivement par le chrono final. Je le rafraichis/recalcule mentalement toutes les 10' - c'est plus fort que moi - et annonce à Nathalie d'abord 8h, puis 8h10, 8h20... avant de me stabiliser sur 8h30 qui semblent presque jouables.
15h : Finish... en mode "flagada"
La fin de parcours est interminable, mais très supportable (rien à voir avec le calvaire enduré ici en 2009) et même, pour tout dire, assez plaisante (no joke !).
Peu avant le 95ème km, et le début du décompte final (tous les km sont annoncés par un panneau jusqu'à l'arrivée), nous repassons devant le Château de Rère et je me fais passer par un des rares - 4 ou 5 - coureurs à m'avoir repris. C'est d'ailleurs une vraie surprise pour moi : avec une pareille chute de régime, je m'attendais à me faire dépasser en trombe par de nombreux coureurs dans le dernier quart de la course. La défaillance semble donc en avoir touché plus d'un.
A l'entrée de Theillay, Nathalie m'annonce que la première féminine est en train de revenir, suivie de près par d'autres coureurs. Titillé par cette info, j'allonge un peu la foulée afin de conserver ma place, m'autorisant (ben, tu vois... quand tu veux !) un dernier km en 5'08, et passe la ligne d'arrivée en 8h32'12. Déçu du chrono, mais satisfait de la gestion de course... et très reconnaissant envers mon accompagnatrice.
Denis Dupoirieux, champion de France V3, arrive 10' plus tard et Thierry Perret, avec qui nous avions partagé la route en début d'épreuve, encore 10' après, dans la foulée de la troisième féminine. On discute pas mal à l'arrivée... avec Nadine, Stéphane Mathieu, Christelle de l'EFSRA, qui a parfaitement maîtrisé son premier 100km, Fabrice de l'organisation, etc... J'en profite pour faire la promotion des
100km de Mécleuves dont la première édition en juin 2015 ramènera le cent bornes dans un quart Nord-Est qu'il a déserté depuis bien longtemps.
Puis, nous rentrons à notre hôtel. Et, en soirée, alors que nous reprenons des forces, nous avons la surprise de saluer, à la table voisine, Thierry Douriez, vice-champion de France V2, et ses proches.
A leur table comme à la nôtre, cette aventure mérite bien quelques bulles, sans doute.
Sans citron ni framboise surtout ! Mais à quoi pourrait on trinquer ? A la réussite ?
Oui, d'accord. Et pui aussi, voire surtout, au fait qu'on reviendra. Et que ça passera.
Un jour, ça passera.
10km |
20km |
30km |
40km |
50km |
46'30 |
47'40 |
47'17 |
48'15 |
47'30 |
46'30 |
01h34 |
02h21 |
03h09 |
03h56 |
60km |
70km |
80km |
90km |
100km |
47'25 |
51'30 |
56'58 |
60'22 |
59'49 |
04h44 |
05h35 |
06h32 |
07h32 |
08h32 |