Relevé factuel d'un week-end mémorable, marqué par la mort de François et la résurrection de Magoo.
Bizarrement, la plupart des médias ne mentionnent que le premier de ces deux événements. Par décence, on veillera à ne pas s'en offusquer trop ostensiblement.
C'était donc la 4ème édition de l'UBF et ma 4ème participation.
Pour autant, j'étais bien loin d'imaginer que je saurais en profiter pour retrancher près de 4h à ma meilleure marque sur cette belle épreuve pascale qui m'avait jusqu'alors toujours vu faire l'oeuf, comme de peur que rien ne cloche. Je m'étais contenté de borner, à raison de 150 à 220km par semaine, depuis le début de l'année, pour arriver à Fontaine-le-Port avec un peu de foncier et une confiance dûment renforcée.
Arrive donc l'heure du départ pour les 13 starters dont 69% seront bientôt finishers.
Divulgâchis assumé. Bien plus que parmentier. 7h au pied du caillou du Square Millet.
Crédit photo : Ultrabellifontain 205
Christian ROIK, notre Maître de Cérémonie, nous délivre du fardeau de l'immobilité. Et nous voilà 13 à la table du bellifontain banquet, comme pour coller à l'actualité sempiternellement répétée de ce week-end sanctifié : 13 en mouvement, 13 en verve assurément, bien que très tempérément.
Dès le départ, ou presque, je mets ma foulée dans celle de Guillaume Renard.
Nous devisons gaiement jusqu'au km8 où les zubéhéfistes quittent le quai de Seine pour pénétrer dans la sylve. Comme chaque année, je profite des bienvenues frondaisons, productrices de discrétion, pour oublier là les restes d'un petit-déjeuner déjà quelque peu chahuté, alors qu'approche la première heure de course à allure très modérée. Allégé du poids de mes péchés, je reprends la route où je l'avais laissée pour constater, sans surprise, que Guillaume a déjà disparu à l'horizon. Qu'à cela ne tienne. Il est désormais sur son rythme. Et je dois maintenant prendre le mien.
Sur le chemin qui longe la voie ferrée, je double Justine et Romain, en grande conversation, et me retrouve bientôt au pied de la Route de la Reine Amélie, un passage toujours très apprécié au bout duquel les coureurs ont droit à un beau point de vue sur Fontainebleau.
Un peu plus tard, en arrivant au CP 1, il me semble identifier Guillaume et David Van den Bossche qui en repartent ensemble alors qu'Alain Malfondet s'y trouve encore, occupé à remplir ses gourdes. En tête de course, Jérôme Leseurre est déjà reparti depuis quelque temps. Alain et moi occupons donc les 4ème et 5ème positions.
Suivi SOLUSTOP : graphe de progression des 13 hubéhéfistes
Nous repartons ensemble, par la Route de Sully, en direction de Barbizon qu'on atteint bientôt et qu'on traverse rapidement. A ce moment, Alain décide de passer en mode marche rapide. Avec mon petit 9,5km/h du moment, j'ai tôt fait de le distancer pour traverser le fort à propos hameau de Macherin -- il n'est que 10h et entre 2 ravitos, sauf méridienne exception, je ne mâche rien -- et entrer dans Arbonne-la-Forêt. Juste avant le km31, on sort d'Arbonne pour 4 km d'une route ombragée qui se poursuit à travers champs et nous dépose à Courances. Je passe devant le château, traverse l'Ecole et entre dans Dannemois. Au km41, c'est déjà le CP 2. Plus encore qu'au premier, je fais honneur aux gâteaux confectionnés par Marie, picorant un peu sur place, comté et saucisson, fraises et riz au lait, tout en remplissant mes poches de (sachets de) douceurs à consommer plus tard, plus loin, tranquillement, en courant ou en marchant.
Juste avant le 44ème km, au lieu-dit "Le Saut du Postillon", on quitte avec satisfaction la passante D948 pour s'engager sur un sentier en sous-bois. C'est l'heure, le lieu et le moment, de ce clin d'oeil au Spartathlon que Christian, spartathlète et spartathlophile, nous avait promis lors du briefing. Et précisément, Christian est là, dans le sous-bois, en train de filmer mon approche, alors que je savoure avec gourmandise un sandwich jambon-fromage, au bienvenu Saut du Spartillon, pile poil à l'heure du casse-croûte. Miaaam !
Parvenu en haut de la bosse du Spartillon, je relance au petit trot et croise un groupe de marcheurs nordiques, bien que franciliens, avant de traverser le micro-hameau de la Padôle qui sonne le grand retour du bitume. S'ensuit encore une petite bosse avant de traverser très brièvement Mondeville et de s'engager sur la toute dernière section orientée plein ouest de ce début d'UBF, menant à l'extrémité occidentale du parcours, sous un traîtreux soleil cognant déjà fort, l'air de rien, planqué derrière d'angélique nuages complices.
Au km53, on entame la traversée de Baulne, puis de La Ferté-Alais, longeant la ligne du RER D sur 2km en direction du sud (sans que le temps, pour autant, paraisse durer plus longtemps).
Le km55 marque un nouveau changement d'orientation, mais également de déclivité et de type d'effort : on repart à l'Est en grimpant, à la marche, la côte du cimetière qui nous fait bientôt sortir de La Ferté-Alais, en direction du désormais relativement proche CP 3.
Km57 pour le dossard 57. Me revoici dans cette longue côte où la visibilité porte loin, devant comme derrière, et qui permet donc, d'une part, de mater, plein d'espoir, l'horizon sur lequel se découpe peut-être la silhouette de quelque hubéhéfiste en passe de se voir rejoint, mais également, d'autre part, de jeter discrètement un oeil par-dessus son épaule de mouton (car, pas n'urge, il faut garder encore serré le frein à main de la prudence) pour savoir si on n'est pas soi-même susceptible de devenir la cible de quelque(s) poursuivant(s) affamé(s) par la promesse de cet enshorté pseudo-méchoui trottant dans la pente ci-devant. Il ne s'agit pas seulement d'une vue de l'esprit mais bien plutôt d'un souvenir profondément inscrit : c'est dans ce 59ème km en pente que j'avais repris Christian Fatton, lors d'une précédente édition, et que Julia avait, elle, commencé à me verrouiller dans sa ligne de mire pour mieux me passer en trombe au CP 3 du km63.
D'ailleurs, le voici à l'horizon, ce CP 3, à l'entrée du hameau de Marchais qui annonce l'entrée dans Boutigny-sur-Essonne. Guillaume le quitte en marchant alors que j'y arrive en courant... et avec la ferme intention de ne pas m'y éterniser, si adorables que puissent être ses tenanciers/cantiniers.
5 minutes plus tard, rassasié, ravitaillé, gourdes remplies, l'esprit réjoui, je redémarre.
L'allure reste calée entre 9,5 et 10km/h, sans forcer, le cardio sagement inscrit dans la fenêtre 110/120bpm. Je m'attends à rattraper bientôt Guillaume que je sais proche désormais et dont j'ai bien noté, répétons-le néanmoins, qu'il marchait en quittant le CP.
Je retrouve avec plaisir la longue descente, assez pentue, menant au centre-église de Boutigny, et dans laquelle il me semble toujours judicieux de ne pas trop se laisser entraîner. C'est ensuite une section assez comparable à la section Nord-Sud entre Baulne et La Ferté-Alais, 13km plus tôt : on longe à nouveau la ligne D du RER, sur 2km, tout à plat et dans un environnement résidentiel émaillé de quelques surprenants et lointains souvenirs aux vertus désormais décoratives. C'est à nouveau cette sensation de saut dans le passé qui m'assaille lorsque je passe devant les 2 ou 3 plaques administratives d'un autre temps, indiquant l'appartenance du lieu traversé au département de Seine-et-Oise.
Enfin, à la sortie de Boutigny, je m'engage sur la D105, en direction de Milly-la-Forêt, non sans avoir repéré, à environ 500m, Guillaume et David qui repartent eux aussi, bras dessus bras-dessous, après un passage par le van d'assistance de David, conduit par Paul et Véronique. Je marche assez peu dans la bonne côte qui suit et qui nous fait entrer en sous-bois. L'année dernière, Stéphane Mathieu nous avait fait une visite-surprise ici, sautant du RER à Boutigny pour m'accompagner, seul tout d'abord, avant que nous rejoignions Alex Forestieri pour poursuivre ensemble, tous les 3, jusqu'au CP 4, soit une quinzaine de km au total. C'est un bon souvenir et j'ai plaisir à repasser par là, à m'y repasser ce film. Cette année, pas de Stef sur l'UBF, puisqu'il court au même moment le 100km d'Ardèche. Je traverse seul la longue ligne droite qui mène jusqu'à Milly-la-Forêt, avec David et Guillaume en ligne de mire, assez loin devant moi. En entrant dans Milly, j'avise le van de la Team Belgique garé sur le bas-côté. Paul et Véronique me saluent de la main et m'encouragent.
Au centre de Milly-la-Forêt, avant d'arriver sur la place de la Halle médiévale, j'ai la surprise d'être hélé, sans tout d'abord identifier toutefois ni l'origine ni l'auteur de l'apostrophe. Surprise ! C'est Guillaume qui m'encourage, alors que lui-même est arrêté, en pause-récup, assis à la table d'un café. Je ne m'inquiète pas plus que cela, persuadé de le retrouver un peu plus loin, le sachant capable, après un bon Orangina rafraîchissant à souhait, de repartir à l'assaut, comme une fusée, comme si de rien n'était. Je poursuis donc ma route et la traversée de Milly-la-Forêt, par la Grande Rue, jusqu'à Oncy-sur-Ecole où on s'embranche sur une délicieuse petite route, ondulant entre bourdonnantes prairies, vergers et charmants cottages invitant à se poser. Mais... on n'est pas là pour beurrer les sandwichs !
Dans la traversée de Noisy-sur-Ecole, je commence à rattraper David qui est en train de marcher. Alors qu'il relance un peu, je reste en retrait, quelque 100m derrière lui. 2km plus loin, nous arrivons quasiment ensemble au CP 4, au Vaudoué.
Au ravito du Vaudoué, on se motive mutuellement et David repart assez rapidement. Quant à moi, je profite d'une avance confortable sur mon plan de marche (8h45 au lieu de 9h pour les 81 premiers km) et prends le temps de savourer quelques fraises et un riz au lait. Puis, après 6 minutes de position assise et autant de discussion à trois, je mets fin à cette 4ème pause gourmande pour repartir en direction de Boissy-aux-Cailles et du CP 5 marquant la mi-course. Comme prévu, je profite de la longue section de petite route tranquille qui suit, bordée de bois, de champs de lavande, de parcs à chevaux, pour recharger ma montre. Au centre de Boissy-aux-Cailles, j'enclenche le mode marche pour passer sans forcer la belle petite bosse qui nous fait sortir du village.
Dans la longue ligne droite monotone qui suit, on distingue les boum-boum-boum d'une rave-party qui se prépare. A Mainbervilliers, je traverse avec précaution la très passante D152 avant de tracer plein sud vers Herbeauvilliers. L'allure est toujours bonne à l'approche des 90km, calée entre 6'30 et 6'50/km. Christian, qui était garé au centre de Mainbervilliers quelques minutes plus tôt, pour faire la circulation, prendre des photos, s'enquérir de la fraîcheur d'Hermagot, ralentit en me dépassant pour m'informer qu'un de mes supporters le suit en voiture et vient m'encourager. A peine le temps de me questionner qu'Arno arrive à son tour et, baissant sa vitre, prend des nouvelles de mon état. Ma foi, tout va bien ! J'ai même comme un petit regain d'énergie depuis la traversée de la "D152 des boum-boum" dont le franchissement marque un peu plus l'approche de la mi-course et de sa bucolique section finale que j'apprécie tout particulièrement.
Arnaud me propose alors de courir quelques km avec moi, ayant encore un peu de temps devant lui avant de rallier le CP 6 où il doit officier bientôt comme cantinier. Mon petit frère se gare, m'offre à boire, ferme sa voiture et prend ma foulée. Devisant gaîment, nous ne voyons ni les minutes ni les hectomètres passer. Puis, comme je l'avertis de la (relative) rudesse de la descente par laquelle nous allons bientôt plonger sur Buthiers, Arnaud décide de rebrousser chemin avant d'entamer celle-ci, me laissant au km95, pour s'en retourner à son véhicule, chargé jusqu'à la gueule des victuailles que je retrouverai bientôt à Dame Jouanne (CP 6 - km120).
Je traverse rapidement Buthiers, traversée plate à tous les égards : sans attraits ni dénivelé, avant de m'engager dans cette fameuse section finale de la première moitié de l'UBF que j'affectionne tant : la Rue des Bois qui devient bientôt Rue de Pierre Longue, étroite et ombragée, humide et pluvieuse cette année, menant délicieusement de Buthiers à Boulancourt dont le lavoir, posé sur l'Essonne, abrite le CP 5 et le ravito de mi-course.
Les 100km sont passés en 10h58, soit 42 minutes d'avance sur mon plan de marche. Je vais pouvoir, comme convenu, m'accorder là une pause bien méritée, sans (presque) me soucier du temps passé.
Je récupère un "drop-bag" contenant un k-way chaud ainsi qu'un t-shirt propre et 2 frontales et discute avec les cantiniers tout en me restaurant goulument. La soupe chaude, en particulier, fait un bien fou. Je la sale copieusement, comme l'eau d'une de mes 3 flasques. Les 2 autres flasques sont rechargées avec eau/électrolytes et St-Yorre/sirop, suivant le protocole décidé au premier CP et jusque là respecté. Avec le recul, je réalise que je n'ai, sauf erreur, pas bu un seul gobelet de Coca sur cet UBF. Ce n'est pas habituel, mais ça m'aura plutôt réussi. Je note cela.
Au bout de 14 minutes, je me décide enfin à quitter le CP 5, en marchant tout d'abord pour relancer la machine, traversant l'Essonne pour quitter la Seine-et-Marne et entrer dans le Loiret, avant de reprendre un petit trot timide, sitôt la grille du Château d'Augerville passée.
Après une courte section de D25, longeant l'Essonne suivant un axe Nord-Sud, on bifurque bientôt à l'Est pour entamer la looooongue, l'inteeeeeerminable, désertique et désespérante section menant à Larchant : 12km d'une petite route bordée de champs à perte de vue, avec pour seule tentative de distraction la traversée des villages de Fromont et d'Amponville. Les habitants de cette contrée désolée, s'il y en a, sont sans doute au fait de ce caractère particulier, de cet atroce sentiment d'être, ici, de tout et d'abord de soi dépouillé, conférant à leur home sweet home quelque affinité avec certains Hauts de Hurlevent, d'un divin Buissonardent imprudemment extirpés.
Précisément, alors que je traverse le village d'Orville, porte de l'Hadès champêtre annoncé, le ciel s'obscurcit tout à coup, devenant de plus en plus menaçant, avant de se déverser d'un coup sur ma pauvre tête interloquée, m'invitant prestement à chaudement me reloquer. J'avise fort heureusement quelque abri bus passant par là et m'y engouffre sans coup férir. Je n'ai d'ailleurs, à ce moment précis, aucune envie de rire. Quelle idée !
J'attends quelques minutes, dans mon abri de fortune, que les cieux veuillent bien cesser de déverser à grands seaux toute leur peine sur cette terre qu'on a déjà dite désolée et qui n'en demande sans doute pas tant mais se trouve déjà saturée. Las. L'ondée ne fait point mine de s'estomper. Il nous va falloir repartir, remonter sur nos grands chevaux, quémander quelque raisonnable cylindrée afin de tenter de passer entre les gouttes en faisant mine de n'être pas conscient de leur prodigieuse densité. Alleeeeez ! Let's goooo ! On n'est pas en sucre, que diable !
10 minutes plus tard, l'orage est passé. Et la section maudite, la terre brûlée, le hurlement de bitume aseptisé, le ruban de champs à moissonner s'étend là, devant moi : 12km de lassitude promise à endurer, vaille que vaille, Steve que Steve. S't'yveux, j't'y laisse ma place, pour c'te section là, hein !
L'UBF, c'est cela aussi : un morceau d'anthologie, une épreuve de survivalisme, un examen de résilience, un barreau Orville-Larchant via Fromont/Amponville.
Peu après le km116, je reconnais enfin, à son arbre esseulé, planté là on ne sait pourquoi, l'intersection avec la D16 à partir de laquelle je sais pouvoir renouer avec des sensations plus favorables. De fait, je retrouve avec bonheur la descente arborée qui m'amène, tout en ondulations, jusqu'à l'entrée de Larchant avant de passer, au centre-village, devant le porche de la Basilique Saint-Mathurin pour ressortir enfin en direction du CP de Dame Jouanne, la Jouaaaannnne, où je trouverai bientôt quelque petite plaaaace pour poser mon séant, étancher ma soif et retrouver mon frérot, ses encouragements, sa chaleur et sa bonne humeur.
Le CP 6 (km120) est atteint après 13h37 de course. J'ai encore 23 minutes d'avance sur mon plan de marche et commence seulement à réaliser que la conséquente chute d'allure que je rencontre habituellement sur ce format de course n'a pas eu lieu, cette fois-ci. Je note également, avec un mélange de joie et de fierté, que j'atteins pour la toute première fois le CP 6 de jour. Je m'ouvre à Arnaud de cette double nouveauté, évidemment corrélée, avant de m'affaler sur un siège bienvenu et de jeter un oeil vorace sur l'alléchant ravito préparé par mon frérot.
8min plus tard, je redémarre. Les 3km qui suivent le CP 6 proposent tout d'abord une belle petite bosse digestive afin de s'extraire de la forêt. Je passe passe ensuite sur l'A6, l'Autoroute du Soleil, pile-poil au moment où celui-ci se décide enfin à se coucher.
Au km123, on prend la D104 en direction de Grez-sur-Loing qu'on atteint, 5km plus loin, après un passage en tunnel piétonnier sous la cultissime Nationale 7, certes déchue de longue date et désormais D607, mais qu'on laisse bien volontiers nous en Trenet, sur un gentil petit rythme désuet, pour nous mener en un temps finalement record au terrible Canal du Loing, désormais tout près, et par tous appréhendé.
En sortant de Grez, on passe le Loing, puis on rejoint une plus grosse route qui nous mène à Moncourt-Fromonville, à peine 1km plus loin. Là, on emprunte un pont sur le Canal du Loing avant d'effectuer une boucle pour passer sous le pont et enfin commencer notre longue progression nocturne - pas moins de 13km - sur la berge du canal.
La section de canal passe beaucoup mieux que les années précédentes, même si l'allure commence à baisser sérieusement (pas loin de 8'/km). Le revêtement de la voie sur berge a été refait sur les N (?) premiers km et c'est un vrai plaisir de dérouler sur cette quasi autoroute. Toutefois, assez rapidement, on retrouve le revêtement des années précédentes, agrémenté de cailloux et de feuilles mortes.
Au km137, à hauteur d'Episy, après déjà 6km de canal, arrive le moment de changer de berge. Ce changement est bienvenu en soi, cassant la sclérosante monotonie du canal. Mais surtout, il annonce les 3 derniers km avant le CP 7. Ces 3km vont m'en paraître 10. Je ne suis plus assez lucide pour m'en rendre compte, mais après 16h de course, à 23h, le sommeil commence à s'ajouter à la fatigue produite par la course pour me demander désormais de plus en plus d'énergie pour simplement tenter de maintenir une allure qui n'en fera de toutes façons plus qu'à sa tête, court-circuitant la mienne, pour se laisser progressivement sombrer. Ainsi, les 2 derniers km précédant le CP 7 sont parcourus respectivement à 8'37 et 9'18/km. Dans l'idéal, si j'avais été (plus) conscient de cela sur le moment, je me serais imposé, en conséquence, une bonne sieste de 20 à 30 minutes au CP 7. Mais comme chacun sait, si ma tante en avait, on mettrait Paris en bouteille.
A 23h27, au km 140, j'atteins le CP 7, sis sur la berge du Canal du Loing, au niveau de l'écluse d'Ecuelles. Pour un ravito, ça ne s'invente pas.
9min de pause, le temps de refaire le plein. Plus grand chose ne passe dans le registre solide. Il est loin le temps où je me régalais des pâtisseries de Marie. L'humeur est plus au salé désormais : l'envie, c'est pas du gâteau, mais plutôt du comté. La seule idée d'un riz au lait, qui pourtant me retaperait, me lève le coeur, à cette heure. On reste donc sur l'eau salée, l'eau électrolytée, la St-Yorre modérément sucrée. Point barre. Et on repart.
Les 4 (ou 5) derniers km de canal sont moins monotones à présent, comme on arrive en zone urbaine, induisant un peu d'activité (quelques voitures qui passent sur la rive opposée, des jeunes qui font la teuf à grands coups de boum-boum, once again) et surtout un environnement désormais plus varié que le magma de verdure englobant, confusément perçu, depuis le km 131, comme un buffer flou, inerte et pesant, autour de ma trajectoire mécanique.
Je tourne maintenant, au mieux, à 8' au kilo et j'ai hâte de traverser Champagne-sur-Seine puis Thomery pour me plonger dans le grand finale qui commence, pour moi, en rentrant à nouveau dans la Forêt de Fontainebleau.
Au km146, j'ai grand plaisir à quitter enfin le Canal du Loing pour me retrouver... en bord de Seine, sur la place du marché de Saint-Mammès, avant de franchir le fleuve olympique et d'entrer dans Champagne-sur-Seine, où mon ami Guillaume Barascud et moi-même avons, comme chaque année depuis l'UBF #1 de 2022, partagé la veillée d'armes de cette épreuve, toujours dûment houblonnée, comme il sied chez mon petit frère Arnaud, zythologue averti, amoureux, passionné, reconverti pour l'heur(e) en cantinier.
La traversée de Champagne en avril, comme celle de Paris en Jambier, vaut bien une messe, pardi ! Toutefois, je ne me découvre pas d'un fil, de crainte de me voir, moi aussi, au lendemain de la fête, en pleine Rome enterré, à l'issue précipitée d'une trop brève existence, bêtement éternuée.
Champagne, notre havre de gaîté lyrique et de félicité cosmique, grand-messe incantatoire et préambule inspiré, toute vrombissante d'échos de free jazz halluciné, débordante de libations sanctifiées, toujours hautement colorées, sapides et rafraichissantes à souhait, copieusement houblonnées, savamment distillées, sobrement dégustées, joyeusement partagées. Ahhhh, Champaaaagne !
Sitôt la Seine traversée, on entame une côte en courbe, un méchant coup de cul qui me contraint à marcher pour atteindre la rue principale traversant Champagne de bout en bout, jusqu'à l'église puis au pont de Thomery via lequel on retraverse la Seine.
Le 150ème km me voit entrer dans Thomery et parcourir la rue principale jusqu'au fatidique virage à gauche qui me propulse à angle droit dans la Rue de la République... et surtout au pied de la monstrueuse côte qui initie la section suivante, la plus difficile de l'UBF à mon sens.
Entre la sortie de Thomery et le CP 8, à l'intersection de la Route d'Orléans, ce sont pas moins de 12km d'une Route Ronde faite d'une succession de barreaux rectilignes, articulés par 5 énormes giratoires à traverser avec une prudence qui a fort à faire pour s'imposer, tâchant de mobiliser le peu de lucidité restant encore à l'hubéhéfiste hagard, titubant dans le bas-côté, encouragé tantôt par un riant Christian en voiture, tantôt par quelque harde de sangliers en goguette, avec une difficulté croissante à pouvoir distinguer l'un de l'autre.
Sur cette section, je note après coup avoir "couru" 3km à une allure proche de 11'/km et 2 autres à quasiment 12'/km, soit 5km/h, une allure de marche. Terrible !
Toujours "après coup", je note également, en consultant le graphe Solustop (ci-dessus), que David s'est, lui, intelligemment octroyé 33 minutes de sieste, avant le km150, ce qui l'aura sans doute aidé à repartir plus fort après la pause du CP 8, laissant d'ailleurs Jérôme sur place.
Après coup, bien sûr, il y a de quoi rager. Que n'ai-je fait preuve de plus de lucidité ! Que n'ai-je été plus expérimenté, moins sot, plus prompt à me reposer ! Que n'ai-je été plus pressé, surtout, de succomber aux promesses de Morphée ! Mais rien ne sert de se pourrir, il faut dormir à point. Et à poings fermés. Même pour un temps très limité. Je le sais. Ce David, j'aurais dû l'imiter !
Le binocleux Magoo a trop souvent la comprenette en berne. Ce nouvel épisode d'errance nocturne, à s'obstiner à vouloir avancer plutôt que de se reposer, en marque une nouvelle occurrence, notable si ce n'est infamante, pénible à défaut d'être indélébile : "Pause" écrit David.EtHermagot lit "Hâte".
La fronde ne pouvait que m'être fatale dès lors. Too bad.
Vers 3h du matin, après une éternité qui me semble en avoir duré deux, je finis enfin par arriver au CP 8 où je suis accueilli par un Christian aux petits soins, aux côtés des cantiniers, Odile et Pierre.
20h07 pour 162km. Je ne sais plus du tout où j'en suis par rapport à mon plan de marche. Peu importe. J'ai besoin d'une bonne soupe, chaude et salée, d'un peu de comté, et de repartir sans trop tarder.
1km après le CP 8, on quitte la Route Ronde pour prendre, plein ouest, la beaucoup plus tranquille Route Forestière de la Plaine de la Haute Borne, strictement rectiligne sur plus de 3km, jusqu'au Carrefour de la Haute Borne où l'on va pouvoir goûter, bien que dans le noir absolu, quelques courbes bienvenues, quelque fantaisie fort congrue.
De jour, cette section-ci est particulièrement dépaysante et potentiellement revigorante, offrant, par sa riante diversité, toute bosselée, tournicotante et ensablée, un apprécié regain d'énergie à l'hubéhéfiste éprouvé par ces loooooongues lignes droites arpentées depuis la sortie de Thomery (ce qui ne fait rire que lui) et l'entrée dans la forêt.
Au milieu du 169ème km, on passe sous l'Autoroute du Soleil une première fois, avant de longer celle-ci sur 1km, puis une seconde fois, pour repartir vers le nord en direction d'Arbonne-la-Forêt.
Les 5km suivants se font sur la D64, dépourvue de charme, et qui donne donc le change à grand renfort de chênes et de pins, jusqu'à l'entrée d'Arbonne-la-Forêt. Là, on bifurque à angle droit, plein est, pour s'engager sur la très passante et très peu sécurisante D409, en direction de Fontainebleau. 10km me séparent encore du CP 9 qu'il me faudra près de 1h50 pour couvrir, à une allure comprise entre 5 et 6km/h. Je marche au radar. Et relance dans le coaltar.
A partir du km182, coïncidant avec le passage des 24h, je retrouve un peu d'entrain. Sans doute le jour qui se lève n'y est pas totalement étranger qui m'insuffle un peu d'énergie à défaut de complètement me réveiller. Toutefois la progression reste toujours aussi laborieuse. Les décamètres paraissent des hectomètres, donnant invariablement l'impression que le kilomètre suivant n'en finit pas d'approcher.
Au km183, on quitte sans regret la peu accueillante D409 pour entrer à nouveau dans la forêt et contourner le complexe sportif de la Faisanderie.
Clémentine et Théodore me proposent de tout pour me ravitailler. Je crois bien que je ne peux plus rien avaler, à part peut-être quelques fraises et un bout de comté. Mais la fraîcheur de ces jeunes gens est communicative qui me ragaillardit et me fait retrouver un semblant de "turbo". Me voila paré à enchaîner, et si possible sans plus marcher, sur la toute dernière section urbaine, menant à Fontaine-le-Port et au Square Millet, via Fontainebleau et son château.
Après une mini pause de 7min, on repart comme en 40. En l'occurrence, comme en 185. Je connais par coeur cette dernière section pour l'avoir courue 4 fois déjà (une reco et les 3 premières éditions de la course). On va d'abord la jouer touriste et passer devant le Château de Fontainebleau, puis remonter l'Avenue des Cascades, tangentant le Grand Canal autour duquel Arno et moi avions couru le semi-marathon de la Foulée Impériale de Fontainebleau, il y a de cela fort fort longtemps, avant de bifurquer dans la Rue Gambetta pour y faire tourner nos gambettes de A à Z (ou de G à A, concernant la Rue Gambetta ; une chose est sûre : on la parcourra intégralement, en tous cas). On plongera ensuite dans la Rue des Déportés, en descente, pour passer sous le Viaduc de Changis qui supporte au quotidien les passages du Transilien, mais qui peut surtout, depuis peu, s'enorgueillir d'abriter celui des Ultrabellifontains. Et ainsi de suite... Je vous dis : je le connais par coeur !
Mais v'là t'y pas que dans la montée des Cascades, soit à l'entame de cette 10ème et toute dernière section, ma montre m'informe qu'elle se propose de bientôt me lâcher. "10% de batterie", qu'elle dit comme ça ! Genre : "Rien à battre de ton truc, là... si tu me rebranches pas, je te laisse en plan... et tu pourras pas te la péter sur Strava ou je ne sais quoi... et puis surtout, tu ne pourras plus suivre la trace GPX que je t'affiche bien gentiment en continu depuis plus de 24h... eh ouais, mon gars, ça te la coupe, hein !" (en substance). Pour le coup, ça me la coupe, effectivement. Et pour éviter que la connexion entre mon poignet et les satellites ne soit elle aussi définitivement coupée, je juge plus prudent de m'octroyer une micro-pause, le temps de récupérer mon chargeur au fond de mon sac et d'y connecter ma montre, la traîtresse, pour lui redonner 15 à 20% de batterie supplémentaires.
Traîtresse Coros !
Je perds tout de même pas loin de 4' avec ces bêtises. Pfffff... Ca m'énerve !
Cette palindromique pause de 24h42, semblant vouloir réconcilier circadiens et marathoniens, alors que ces profils n'ont franchement rien en commun, ça ne me disait rien qui vaille. J'ai confirmation : c'est n'imp' !
Bon, c'est pas tout ça, on a une course à finir... et il faut se RE-CON-CEN-TRER. Pour se remettre dans notre bulle, relancer la machine sur un gentil petit trot et le tenir JUS-QU'AU BOUT. C'est bien compris ? Oui, oui... ça va, c'est bon... t'énerve pas !
Ma montre étant rechargée, je passe sous le Viaduc de Changis au km190. Il en reste donc 15 et des poussières. On va bientôt pouvoir enclencher le décompte final. C'est motivant, ça !
Au bout de la Rue du Vieux Ru, la rue Durand nous invite à un vicieux coup-de-cul qu'il convient d'appréhender à la marche. Inutile de se griller.
Au km193, la traversée du Pont de Samoreau (ou Pont de Valvins) nous propulse dans une nouvelle sous-section de la toooouuuuute dernière section : à partir d'ici, on longe la Seine sur 4km, à raison de 2km de bitume suivis de 2km d'un petit sentier bucolique à souhait.
Au km197, le sentier débouche sur la D39 qu'on va suivre sur 1km avant d'attaquer la toute dernière sous-section (qu'on découpera en réalité en 2 sous-sous-sections... mais faut-il vraiment détailler tout cela ? et d'ailleurs, qui a lu ce récit jusqu'ici ? franchement... c'est n'imp'). La Route de Féricy nous fait pénétrer, au moyen d'une petite route bien pentue, tout en lacets, dans la Forêt domaniale de Barbeau dont on va ressortir, 2km plus loin et 40m plus haut, en plein champs, au KM 200, avec une seule question en tête : "c'est encore loin ?!".
De fait, pour qui participe à son premier UBF, l'attente risque de s'avérer longue encore.
Et à vrai dire, pour un quadruplant également, cette dernière section "Barbeau-Fontaine" paraît toujours innnnnteeeeeermiiiinaaaable (looool) ! Il faut tout d'abord parcourir encore 2km sur ce plateau agricole jusqu'à arriver, par une petite bosse inattendue, à l'entrée du Châtelet-en-Brie. S'ensuivent 600m d'une portion de trail, sur le Chemin des Terres Fortes, comme un gros clin d'oeil appuyé adressé par notre Maître de Cérémonie du week-end, avant de traverser le hameau de La Mussine. Puis, 1km plus loin encore, se présente la dernière difficulté : une cuvette dans laquelle on doit se laisser glisser pour remonter la pente, par la Rue de la Coudre qui nous fera entrer, bientôt, enfin, dans Fontaine-le-Port.
En haut de cette dernière bosse, j'ai la bonne surprise de retrouver Arnaud qui m'attend pour courir les derniers 1500m avec moi. Aucun risque qu'on s'essaie à aller taquiner le chrono d'un Mehdi Baala, ou même celui d'un Arnaud Henri, à côté desquels Arnaud Henriet et moi sommes tout petits, petit Baala comme petit Henri. Par contre, on se fait plaisir ! J'ai noté que je pouvais finir sur un "chrono double" (27h27), ce qui m'arrangerait bien, comme une réponse au chrono palindromique réalisé dans le Morvan quelque 3 ans plus tôt (34h43 pour 230km). Et Arnaud et moi allongeons donc la foulée dans la descente qui traverse le village, passant devant la place de l'église, puis celle de la Salle des Fêtes, pour arriver enfin, sous les applaudissements de Christian et de quelques uns des cantiniers, sur la place du Square Millet, quittée 27h et 27 minutes plus tôt. HEU-REUX !
MERCI, Christian et Marie ! MERCI à tous les cantiniers !
C'était juste parfait. On remet ça l'année prochaine.
Déjà hâte d'y être. Et d'y être... au moins 2 fois plus nombreux, j'espère bien !
J'aurai juste une requête : après le dossard 57 en 2025, j'aimerais retrouver le 11 en 2026, histoire d'alterner.
Tudieu ! J'avais pourtant juré mes Grands Hommes qu'on ne m'y reprendrait plus et m'étais promis de rester factuel, descriptif et... concis. Mais c'est plus fort que... si ça l'était moins. Et je me retrouve à nouveau, section après section, emporté par mon élan, aguiché, en tout rien tout bonheur, par tous ces petits souvenirs qui remontent et affleurent et m'enchantent et s'invitent in fine sous ma plume, s'imposant fort impoliment, à mon bon coeur défendant.
Or donc, comme disait l'ami perdu de vue, la verbosité de ce récit que j'envisageais pourtant concis aura à nouveau fini par exploser, affichant, section après section, un accroissement proportionnel au temps passé sur chacune d'elles. Comme si la durée d'infusion, runnings aux pieds, conditionnait le volume de régurgitation de signes combinés, de foutraqueries enamourées, sur le papier consignées, sur le clavier martelées, de façon presque incontrôlée, sans souci de pudeur ou d'économie et en dépit de la patience nécessairement limitée de quelque éventuel auditoire par ici égaré.
De 6 à 10, on note un bel exemple de "bagout sinusoïdal"