Ici même, je m'étonnais - il y a 22 mois déjà ! - qu'on puisse nommer "Manif pour tous" une manifestation plutôt dirigée "contre tous" en réalité.
Les mêmes nuisibles reviennent aujourd'hui à la charge sans avoir pu toutefois embringuer dans leur projet familicide une clique lepéniste toute tendue vers son propre projet de "patricide patriote", flamboyant oxymore à la mode, développé "à l'insu de leur plein gré" par les intéressés (pas de mot plus approprié pour les désigner).
D'où vient cet engouement soudain pour le Cid(e), qu'on l'applique à la famille ou à la patrie ?
Pourquoi cette haine de tous et de tout, à commencer par l'amour et, au fond, par soi ?
Comment peuvent-ils prétendre aimer, ceux qu'on entend jamais que la haine à la bouche ?
"Divisez-vous les uns les autres" ?
"Entretuez-vous les uns les autres" ?
Vraiment !? Mes lointains souvenirs de catéchisme me trahiraient-ils ?
Sont-ce là les propositions qui nous garantiront un "vivre ensemble" harmonieux, une libre jouissance et un respect fraternel de notre République, cette "chose commune" de plus en plus "(toute) chose" et de moins en moins "commune" ?
Faut-il donc stigmatiser l'autre ?
Mais pour quel motif ? Sur quel critère ?
Depuis bientôt 2 ans, la "Manif pour/contre tous" nous enseigne qu'il convient de rejeter la famille "non traditionnelle", qu'elle soit monoparentale, recomposée ou homoparentale.
Le FN nous invite maintenant à considérer "le musulman" comme un citoyen de second rang, la femme comme un sous-homme, les artistes comme devant être classifiés suivant qu'ils pratiquent un art dégénéré ou qu'ils promeuvent l'art officiel, ...
Ces groupuscules nous invitent à rejeter l'autre au motif qu'il est autre, étranger, différent.
Mais... différent de qui ? De quoi ?
Nous sommes tous différents ! Nous sommes tous "autres" ! Je suis l'autre !
Au lendemain de la tuerie insensée qui a fait 130 morts, les Français se sont rassemblés pour refuser la barbarie et affirmer leur unité, par-delà les différences.
"Tous en terrasse" et/ou réunis sous les couleurs de la République Française, celles et ceux qui se sont rassemblés n'étaient pas (que) les "gentils blancs cathos et hétéros" qu'une torquemadesque campagne régionale du FN voudrait nous faire croire.
Nous avons repris conscience que ces couleurs pouvaient encore nous rassembler.
Nous avons repris conscience que malgré le consumérisme et l'individualisme grandissants de notre société, nous n'étions pas encore prêts à tout accepter.
Nous nous sommes tous rassemblés pour la République.
D'abord contre Daech le 13 novembre. Puis contre le FN le 13 décembre.
A la tête des partis traditionnels, on commence à réaliser le sens de cette réaction citoyenne.
Le citoyen-électeur conserve encore le sens de l'intérêt général, lui qui a voté pour la République et contre le FN, parfois au détriment de ses convictions personnelles.
Les politiques ont donc entrepris - il faut y croire - un Plan Marshall visant à guérir en urgence 30 ans de surdité et de cécité.
Et à notre niveau de citoyens lambda, encartés ou pas, que faire ?
Pourquoi pas une manif (vraiment) POUR tous !?
Pourquoi pas une manifestation républicaine, pacifique et pacifiste, qui verrait défiler, main dans la main, des hommes et femmes de tous âges, toutes couleurs, toutes religions, toutes convictions, toutes orientations sexuelles ? En tenue du soir, en bleu de chauffe, en djellaba, en boubou, en jeans, en costard, en sari... avec ou sans croix, kippa, dreadlocks, piercings, tattoos...
Tous réunis, avec pour seul(s) mot(s) d'ordre : LIBERTE, FRATERNITE, DIVERSITE, LAICITE.
Et l'EGALITE ? Oh, je ne l'oublie certes pas.
Mais je ne voudrais pas non plus promouvoir malgré moi une fausse bonne idée en accréditant quelque politique égalitariste traditionnellement portée par "mon propre camp" (il est décidément "tendance", ces derniers temps, de "tirer contre son camp" dans l'intérêt général).
Certes, nous sommes (ou devrions être) EGAUX... en droits et en devoirs.
Pour le reste, nous ne saurions être "égaux"... puisque tous différents.
Et ce sont précisément ces différences qui nous enrichissent et nous permettent de progresser.
Mais je vois des sourires entendus, des haussements de sourcils voire de francs rires... avant que ne fusent deci delà les insultes et s'organisent les agressions.
"Bisounours !", "candide !", "crétin des alpes !", "rêveur !", ...
Allons... Sera-ce tout ? Vraiment ?! Vous pouvez mieux faire !
Personnellement, j'ai une préférence pour "l'idiot". Celui de Dostoievski.
Bien que le "rêveur" MLK ait également ma faveur... comme peut-être celle d'une NKM itou ?
Les lignes bougent ! Songez donc : de fiers caciques de la Droite viennent de sentir leur coeur battre ! (on voudra bien me passer cette blague... je ne peux tout de même pas tirer toujours contre mon camp).
Réfléchissons. Posons nous 2 minutes.
Déposons au vestiaire nos certitudes et notre cynisme de bon aloi.
Regardons-nous puis regardons l'autre, quel qu'il soit.
Chacun a dans sa famille au moins un "autre", pas forcément stigmatisé mais facilement stigmatisable au motif de marqueurs évidents tels que la couleur de peau, les préférences vestimentaires et/ou sexuelles, l'orientation religieuse et/ou philosophique, le handicap, ...
MAIS... "ce n'est pas pareil !".
Eh non ! Bien entendu, ce n'est pas pareil !
Explicitons le sous-entendu : "ce n'est pas pareil... PUISQUE c'est LA FAMILLE".
Et cela nous ramène à cette fameuse et mortifère manif CONTRE tous.
Aussi, pourquoi pas - enfin ! - une vraie manif POUR Tous ?
Est-ce si difficile à concevoir... puis à réaliser ?!
Est-ce si difficile de regarder l'autre comme on regarde son propre enfant ?
Sans doute faut-il, pour réussir ce tour de force, déposer préalablement (et temporairement... rassurons-nous !) ses craintes et ses fantasmes, son orgueil et sa fierté (peut-être un peu trop polarisée), et s'évertuer à retrouver l'innocence et la candeur qui étaient les nôtres à cet âge-là.
Sans doute faut-il retrouver un coeur d'enfant pour voir le bien dans l'autre et voir l'autre comme un bien, une partie du bien commun : un enfant de la République.
Imaginons-nous dans cette foule qui se rassemblerait, chaque 13 novembre par exemple, sur la parisienne Place de la République comme sur les places emblématiques des grandes villes de France, pour marcher ensemble, en mémoire des victimes et pour affirmer cet attachement viscéral à une République gage de LIBERTE, FRATERNITE, DIVERSITE et LAICITE.