Ce 100km "off", entre amis, fut une belle expérience.
Ce fut également un intéressant test grandeur nature. Car je reste persuadé que ce parcours, constitué d'une boucle de 10km à parcourir 10 fois, pourrait donner lieu à une épreuve officielle, labellisée par la FFA et inspirée du glorieux exemple des 100km de Winschoten1.
Rien que d'y penser, il me semble voir les Papys flingueurs2 frémir d'envie et l'ami Bernard se lisser la moustache. Pas de doute : ce serait un bel événement sportif !
Cela pourrait même devenir un rendez-vous majeur... non seulement pour les cent-bornards de France et de Navarre, dont certains rêvent d'un Winschoten à la française, à la fois festif et propice à la performance, mais également pour les coureurs locaux qu'une telle distance effraie... ou, au contraire, qu'elle laisse indifférents.
En effet, le projet consisterait à associer3 sur un même circuit, dans notre métropole messine comme dans la lointaine province batave, deux courses distinctes : un 100km individuel (sans accompagnateurs à vélo) et un 100km en relais (à 5 ou à 10 coureurs).
L'Ekiden ayant déjà fait des adeptes - et quels adeptes ! - au sein de la métropole messine, comment imaginer que des jeunes gens aimant à batailler sur 5 ou 10km - contre eux-mêmes mais pour leur équipe - n'auraient pas le même entrain à l'idée d'en aligner le double (5x20km) ou d'être plus nombreux encore (10x10km) à partager cette bagarre, toujours dans cet esprit si particulier, propre à l'Ekiden ?!
Ca tombe sous le sens !
Mais pourquoi n'y a -t-on pas pensé plus tôt ?
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1 Au Nord de la Hollande, à Winschoten, se tient chaque année en septembre une des épreuves de 100km parmi les plus réputées, support à maintes reprises des Championnats du Monde de la discipline (7 fois entre 1995 et 2015). 2 Vous ne connaissez pas les Papys flingueurs , vainqueurs, avant-hier, du relais des 100km "Off the Tof", en 7h48 ? Faites donc connaissance ! Ils sont dans le trombi des Zamis. 3 Une telle association (course solo + course en relais) a déjà été éprouvée localement, rencontrant un succès grandissant, dans le cadre du Marathon Metz Mirabelle.
Pourquoi n'y a -t-on pas pensé plus tôt ?
J'entrevois 2 réponses.
Qui peuvent de prime abord sembler contradictoires.
D'une part, il n'est pas impossible que, pour une certaine élite, formée en club dès le plus jeune âge et ne jurant que par la piste et le cross, le périmètre de la course à pied culmine à 10.000m (de distance horizontale). Selon cette version, si elle existe, on aurait créé, au-delà de la limite naturelle du 10.000m, d'autres disciplines, périphériques, charitablement réservées à nos vénérables aînés, à la VMA émoussée, afin de leur permettre de continuer à s'entretenir : le semi-marathon et le marathon, des courses populaires, également ouvertes aux simples joggers.
Pour le reste, au-delà du marathon, on aura peut-être également entendu parler de 100km, de 24h (et même de 48h, 6 jours... et plus). Mais l'athlète élitiste dont on tente ici de brosser le portrait (fictif) ne saurait a priori considérer pareilles manifestations comme des épreuves d'athlétisme et risque encore moins d'être tenté d'y goûter.
D'autre part, ces épreuves d'ultrafond demandent un goût prononcé pour l'effort et une bonne dose d'humilité : deux qualités qui ne sont pas à coup sûr furieusement tendance dans nos contrées.
Deux qualités qui donneraient peut-être plutôt à voir, sur ce plan-là, le peuple gaulois comme l'exact contraire - une image inversée - du peuple nippon.
Deux qualités qui, suivant qu'elles surabondent ou qu'elles se meurent, expliqueraient en grande partie, peut-être, le déclin du cent bornes en France (encore 2 fermetures d'épreuves ces 2 dernières années et des effectifs vieillissants et en baisse constante), alors qu'on trouve sans doute la même proportion de cent-bornards et de circadiens au Japon que de marathoniens au Kenya.
Pour schématiser, il y aurait donc un double frein à la promotion du cent bornes dans l'Hexagone.
D'abord, le frein (culturel) de l'athlète élitiste, naturellement tenté d'étiqueter et de ranger le cent bornes aux côtés de la course en sac, du baby-foot, de la pétanque, des fléchettes.
Ensuite, le frein (culturel) du coq gaulois pérorant, prompt à se donner sans compter mais à la précocité limitante et plus désireux de brièvement briller que soucieux d'une durable sérénité, d'introspection, de félicité, de plongée spirituelle en apnée.
Mais, à y regarder de plus près, et quand bien même on les présenterait de manière moins caricaturale, aucune de ces objections ne tient la route.
A ceux qui voient le cent bornes comme un divertissement pour athlètes séniles ou pour gentils freaks en baskets (adeptes peut-être également des mud run, color run, truc & machin run ?), on proposera de tenter de courir 100km d'une traite à 4'/km de moyenne, soit l'allure tenue par les meilleurs français du moment. Et si cela leur semble encore trop facile, qu'ils essayent alors d'égaler la perf de M. Tatsuya Itagaki (29 ans) qui a couru les 100 km de Lake Saroma, au Japon, en 6h14'18, dimanche dernier, pendant que nous cent-bornions autour du plan d'eau messin et le long du canal de Jouy.
A ceux qui pensent, au contraire, ne pas disposer du nécessaire "goût de l'effort", tenant celui-ci en piètre estime ou le considérant peut-être trop politiquement connoté, on pourra rappeler que l'effort - le travail - est un outil, parmi d'autres, au service de la réalisation de soi, de la sculpture de soi, laquelle ne passe pas nécessairement (que) par les salles de musculation.
Par ailleurs, bien que préempté par certain maréchal honni, dont la sinistre mémoire reste paradoxalement entretenue par un très droitier fan club, le travail n'est en réalité ni de gauche ni de droite (pas plus que la famille ou la patrie), mais de gauche ET de droite... et, par conséquent, furieusement tendance, n'est-il pas ?!
Ainsi, en dépit de la caricature qu'il est aisé d'en faire, et dont peut-être on abuse, le cent bornes constitue, au même titre que le marathon, une école de l'effort et du courage, de la discipline et de l'humilité, invitant l'individu à se surpasser tout en lui permettant de s'ouvrir à l'autre, dans une communion favorisée par l'allongement de la durée.
Dès lors, comment ne pas militer pour l'avènement d'un 100km de Metz Métropole, avec départ, arrivée et passages de relais au droit du torii messin, plaçant cet événement d'envergure régionale, voire nationale, sous les auspices de l'amitié franco-japonaise et augurant de belles bagarres entre coureurs d'Ekiden ainsi qu'un rendez-vous incontournable pour la fine fleur des cent-bornards !